23 h 30 : dernière allocution de Paul Reynaud.

paul Raynaud

Le président du Conseil, Paul Reynaud, très conscient que la France est en danger et que la progression de l’ennemi est plus qu’une menace, prononce ce discours le 13 juin 1940 et sollicite les États-Unis pour qu’ils interviennent dans cette guerre européenne où s’inscrit la domination du IIIe Reich et des puissances de l’Axe..

 » Dans le malheur qui s’abat sur la patrie, il faut avant tout qu’une chose soit dite. Au moment où le sort les accable, je veux crier au monde l’héroïsme des armées françaises, l’héroïsme de nos soldats, l’héroïsme de leurs chefs.

J’ai vu, arrivant de la bataille, des hommes qui n’avaient pas dormi depuis cinq jours, harcelés par les avions, rompus par les marches et par les combats. Ces hommes, dont l’ennemi avait cru briser les nerfs, ne doutaient pas de l’issue finale de la guerre, ils ne doutaient pas du sort de la patrie. L’héroïsme des armées de Dunkerque a été dépassé dans les combats qui se livrent de la mer à l’Argonne. L’âme de la France n’est pas vaincue. Notre race ne se laisse pas abattre par une invasion, le sol sur lequel elle vit en a tant vu au cours des siècles ! Elle a toujours refoulé ou dominé l’envahisseur. Tout cela, les souffrances et la fierté de la France, il faut que le monde le sache. Il faut que partout sur la terre, les hommes libres sachent ce qu’ils lui doivent. L’heure est venue pour eux de s’acquitter de leur dette.

L’armée française a été l’avant-garde de l’armée des démocraties. Elle s’est sacrifiée, mais, en perdant cette bataille, elle a porté des coups redoutables à l’ennemi commun. Les centaines de chars détruits, les avions abattus, les pertes en hommes, les usines d’essence synthétique en flammes, tout cela explique l’état présent du moral du peuple allemand, malgré ses victoires. La France blessée a le droit de se retourner vers les autres démocratie et de leur dire : « J’ai des droits sur vous ! ». Aucun de ceux qui ont le sentiment de la justice ne pourrait lui donner tort. Mais autre chose est d’approuver et autre chose est d’agir.

Nous savons quelle place tient l’idéal dans la vie du grand peuple américain, hésiterait-il encore à se déclarer contre l’Allemagne nazie ? Je l’ai demandé au président Roosevelt, vous le savez; je lui adresse ce soir un nouvel et dernier appel. Chaque fois que j’ai demandé au président des Etats-Unis d’augmenter sous toutes les formes l’aide que permet la loi américaine, il l’a fait généreusement et il a été approuvé par son peuple. Mais aujourd’hui nous n’en sommes plus là. Il s’agit aujourd’hui de la vie de la France, en tout cas les raisons de vivre de la France.

Notre combat, chaque jour plus douloureux, n’a désormais de sens que si, en le poursuivant, nous voyons grandir, même au loin, l’espoir d’une victoire commune. La supériorité en qualité de l’aviation britannique s’affirme tous les jours. Il faut que des nuées d’avions de guerre venus d’outre atlantique écrasent la force mauvaise qui domine l’Europe. Malgré nos revers, la puissance des démocraties restent immenses. Nous avons le droit d’espérer que le jour approche où toute cette puissance sera mise en œuvre.

C’est pourquoi nous gardons l’espérance au cœur. C’est pourquoi, aussi, nous avons voulu que la France garde un gouvernement libre, et pour cela nous avons quitté Paris. Il fallait empêcher que Hitler, supprimant le gouvernement légal, déclare au monde que la France n’a pas d’autre gouvernement qu’un gouvernement de fantoches à sa solde, semblable à ceux qu’il a tenté de constituer un peu partout ».

Au cours des grandes épreuves de son histoire, notre peuple a connu des jours où les conseils de défaillance ont pu le troubler, c’est parce qu’il n’a jamais abdiqué qu’il fut grand. Quoi qu’il arrive, dans les jours qui viennent, où qu’ils soient, les Français vont avoir à souffrir : qu’ils soient digne du passé de la nation; qu’ils deviennent fraternels, qu’ils se serrent autour de la patrie blessée; le jour de la résurrection viendra.

 

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