Entrée des Allemands à Paris ; arrivée du gouvernement français à Bordeaux.
Depuis le 10 mai, l’armée allemande adopte la stratégie dite des « masses cuirassées », développée par Charles de Gaulle dans les années 1930 : les lignes de chars écrasent méthodiquement les défenses françaises, et la débâcle s’accélère après les percées de la Meuse et la rupture du front belge. Le 16 mai, de Gaulle, alors commandant de la 4ème division cuirassée, cède sur l’Oise après avoir reconquis provisoirement du terrain et libéré une centaine de prisonniers ; le 17 mai, le général Weygand est rappelé et le maréchal Pétain est introduit au gouvernement en tant que vice-président du Conseil, avec l’espoir que ces deux héros de la Première Guerre mondiale redressent la barre ; le 31 mai, Lille tombe ; et le 6 juin, quand la « ligne Weygand » s’effondre, laissant tout le Nord de la France sans défense, la situation devient désespérée.
Le 8 juin, à la nouvelle de la dislocation totale du front français, l’exode du Nord vers le Sud s’intensifie, et une évacuation massive commence à Paris : en cinq jours, la capitale est vidée de ses habitants terrorisés qui fuient les probables bombardements. Le 10 juin, au cœur de la ruée, le gouvernement français quitte précipitamment Paris pour Bordeaux. Et le 14 juin, alors que Paris a été déclarée ville ouverte la veille, les troupes allemandes rentrent dans la ville. Sous la menace d’un bombardement de la capitale, les autorités signent un cessez-le-feu à 7h30 du matin, et c’est le début de cinq ans d’occupation L’occupant, dès le jour de son arrivée, multiplie les mesures : tous les drapeaux français sont décrochés des bâtiments publics, y compris ceux, historiques, des Invalides, et remplacés par l’emblème infamant du IIIème Reich ; sur l’Arc de Triomphe, toute la journée durant, flotte une immense croix gammée. Dorénavant mise à l’heure de Berlin, Paris voit certains de ses habitants se suicider pour échapper au déshonneur ; c’est notamment le cas de Thierry de Martel, chirurgien réputé et proche d’André Maurois, dont le fils avait été tué pendant la Première Guerre mondiale.
Le 17 juin, le maréchal Pétain, devenu président du Conseil après la démission de Paul Reynaud, lance un appel à déposer les armes : « C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat ». Le signal de la reddition assène le coup de grâce au moral des troupes françaises, mais le jour même, Charles de Gaulle part pour Londres où il est reçu par Winston Churchill. L’appel du 18 juin, acte fondateur de la France Libre, sonne le début de la Résistance.
La bataille de France, du 10 mai au 22 juin, soit en moins de deux mois, a fait 60 000 morts parmi les militaires français, 21 000 parmi les civils, et deux millions de prisonniers. Dix millions de civils belges, luxembourgeois, néerlandais et français sont réfugiés ou déplacés. Raymond Duval, blessé en 1914 à la bataille de la Marne, ayant participé aux batailles de Verdun et de la Somme, est lieutenant-colonel au moment de la débâcle française : depuis la ligne Maginot, sur laquelle il a été muté en décembre 1939, il renseigne la Revue des Deux Mondes sur le déroulement des combats d’octobre 1939 à juin 1940, dans une série d’articles intitulée « La situation militaire » qui constitue un témoignage historique inestimable . Si la livraison de juin 1940 est sa dernière, c’est qu’il sera fait prisonnier le 22 juin par les troupes allemandes. Il s’évadera ensuite pour rejoindre les lignes françaises, et rentrera en Résistance lors de l’invasion de la zone libre en 1942 ; il participera activement à la libération de l’Italie et à la reconquête de la France, et sera nommé général en 1946.
Ce dernier article de juin 1940, probablement rédigé entre le 25 et le 28 mai, annonce les débâcles de la Meuse et de l’Oise, mais, à quelques jours de la défaite et de la reddition, fait encore état de la confiance inébranlable, et rétrospectivement tragique, que la France et son armée plaçaient alors en Philippe Pétain :
« La poussée allemande est orientée vers l’ouest. Le plan de l’état major allemand devient manifeste. Il s’agit d’atteindre la ligne de la Somme assez vite pour couper toute retraite vers le sud à la masse des forces françaises, anglaises et belges qui se trouvent au nord de cette ligne.A l’heure où j’écris ces lignes, la bataille dure. La situation est évidemment grave ; l’heure est critique. Mais aucun doute n’effleure mon âme ; j’ai dans l’avenir de mon pays une confiance inébranlable. Ma confiance s’augmente de la présence à notre tête du maréchal Pétain et du général Weygand. J’ai eu l’honneur de servir auprès d’eux, je les connais ; je suis sûr que demain, ou plus tard, ils nous conduiront à la victoire. Ce jour viendra ! »