Discours sur l’élection du Président au suffrage universel, 18 octobre 1962

Discours sur l’élection du Président au suffrage universel, 18 octobre 1962
L’Assemblée nationale a adopté le 5 octobre, par 280 voix, la motion de censure du
gouvernement Pompidou déposée par les représentants des groupes d’opposition.
Conformément à la Constitution, le Premier ministre a présenté le 6 octobre au président
de la République la démission du gouvernement. Le général de Gaulle a pris acte de cette
démission ; tout en faisant connaître qu’il a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale, il
a invité le gouvernement à continuer d’assurer ses fonctions jusqu’à l’ouverture de la
nouvelle législature. Après avoir procédé aux consultations prévues par l’article 12 de la
Constitution, il a prononcé le 10 octobre la dissolution de l’Assemblée. Après le
référendum, fixé au 28 octobre, le peuple Français aura donc, les 18 et 25 novembre, à
élire ses nouveaux représentants. Dès l’annonce de la dissolution, les leaders des partis
d’opposition (Centre national des Indépendants et Paysans, M.R.P., Parti radical, Parti
socialiste S.F.I.O.) ont constitué ensemble le « Cartel des Non », manifestant ainsi leur
intention de rester solidaires, après le référendum, au moment des élections législatives.
Telle est la situation au moment où le général de Gaulle s’adresse aux Français dix jours
avant le référendum.
Françaises, Français !
Le 28 octobre, ce que vous allez répondre à ce que je vous demande engagera le destin de la
France. J’ai le devoir de vous dire pourquoi.
Tout le monde sait qu’en adoptant, sur ma proposition, la Constitution de 1958, notre peuple
a condamné, à une immense majorité, le régime désastreux qui livrait la République à la
discrétion des partis et, une fois de plus, avait failli jeter la France au gouffre. Tout le
monde sait que, par le même vote, notre peuple a institué un Président, chef de l’État, guide
de la France, clef de voûte des institutions, et a consacré le référendum qui permet au
Président de soumettre directement au pays ce qui peut être essentiel. Tout le monde sait,
qu’en même temps, notre peuple m’a fait confiance pour régler, avec mon gouvernement, les
lourds problèmes devant lesquels venait de s’effondrer le système de la décadence : menace
immédiate de faillite, absurde conflit algérien, danger grave d’opposition entre la nation et
son armée, abaissement de la France au milieu d’un monde qui lui était, alors, malveillant ou
méprisant.
Cette mission, si j’ai pu, jusqu’à présent, la remplir, c’est tout d’abord parce que j’étais sûr
que vous m’en approuviez. Mais c’est aussi parce que nos institutions nouvelles me
donnaient les moyens de faire ce qu’il fallait. Ainsi ai-je pu, pendant quatre années, sans
altérer les droits des citoyens ni les libertés publiques, assurer la conduite du pays vers le
progrès, la prospérité, la grandeur, étouffer à mesure les menaces criminelles qui se
dressaient contre l’État et empêcher le retour aux vices du régime condamné.
Comme la preuve est ainsi faite de la valeur d’une Constitution qui veut que l’État ait une
tête et comme, depuis que je joue ce rôle, personne n’a jamais pensé que le président de la
République était là pour autre chose, je crois, en toute conscience, que le peuple français
doit marquer maintenant par un vote solennel qu’il veut qu’il en soit ainsi, aujourd’hui,
demain et plus tard. Je crois que c’est, pour lui, le moment d’en décider, car, autrement, les
attentats qui ont été perpétrés et ceux qui sont préparés font voir que ma disparition
risquerait de replonger la France dans la confusion de naguère et, bientôt, dans la
catastrophe. Bref, je crois que, quoi qu’il arrive, la nation doit avoir, désormais, le moyen de
choisir elle-même son Président à qui cette investiture directe pourra donner la force et
l’obligation d’être le guide de la France et le garant de l’État.
C’est pourquoi, Françaises, Français, m’appuyant sur notre Constitution, usant du droit
qu’elle me donne formellement de proposer au peuple souverain, par voie de référendum,
tout projet de loi qui porte sur l’organisation des pouvoirs publics, mesurant, mieux que
jamais, la responsabilité historique qui m’incombe à l’égard de la patrie, je vous demande,
tout simplement, de décider que dorénavant vous élirez votre Président au suffrage
universel.
Si votre réponse est : « Non » ! comme le voudraient tous les anciens partis afin de rétablir
leur régime de malheur, ainsi que tous les factieux pour se lancer dans la subversion, ou
même si la majorité des « Oui » ! est faible, médiocre, aléatoire, il est bien évident que ma
tâche sera terminée aussitôt et sans retour. Car, que pourrais-je faire, ensuite, sans la
confiance chaleureuse de la Nation ?
Mais si, comme je l’espère, comme je le crois, comme j’en suis sûr, vous me répondez « Oui »
! une fois de plus et en masse, alors me voilà confirmé par vous toutes et par vous tous dans
la charge que je porte ! Voilà le pays fixé, la République assurée et l’horizon dégagé ! Voilà
le monde décidément certain du grand avenir de la France !
Vive la République !
Vive la France !

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