Les jeux sont faits. Et il le sait. Pour Charles de Gaulle, 78 ans, premier président de la République française élu au suffrage universel direct, ce 27 avril 1969 sonne comme l’ultime date d’une incroyable destinée. . Il vient de voter pour le référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat,est rejetée à la majorité de 52,41% des suffrages exprimés.
A 20 heures, les estimations concordent : 53 % de « non ». Le calme règne sur le pays
Le soir même, le général de Gaulle assume avec panache son échec et fait porter au président du Conseil constitutionnel Gaston Palewski le message suivant : « Je cesse d’exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi ».
Le Général visionne l’enregistrement sur un écran de contrôle, reste silencieux, puis salue un à un les techniciens. «Il m’a serré la main en dernier, raconte le réalisateur, me disant juste : “Au revoir monsieur.”» Les gorges sont nouées.
Après le déjeuner avec Mme de Gaulle, il est parti tout de suite. Ils ont traversé le petit salon d’Argent, sont montés dans la voiture qui les attendait devant la roseraie et le Général a dit à son chauffeur, Paul Fontenil : “Vous roulerez lentement.” Alors, la DS noire a fait, au pas, le tour de la pelouse. En franchissant la grille pour la première fois, elle s’est arrêtée à la hauteur du colonel Laurent, commandant militaire du Palais, figé au garde-à-vous. Le Général a descendu sa vitre et, sans un mot, a tendu la main au colonel bouleversé.» Triste samedi.
Sombre dimanche. A 20 heures, toutes les estimations concordent : 53 % de «non».
Le calme règne sur le pays. A 22 h 30, le Général ordonne à Bernard Tricot, secrétaire général de l’Elysée, de transmettre l’annonce de sa démission à l’Agence France Presse, le lendemain, en fin de matinée. Puis, se ravisant, il rappelle pour demander que le communiqué soit publié dès minuit. La dépêche tombe à 0 h 11. Elle porte le numéro 001 de ce lundi 28 avril et tient en deux lignes :
«Flash. Le général de Gaulle communique : “Je cesse d’exercer mes fonctions de président de la République. Cette décision prend effet aujourd’hui à midi.”» Un adieu sans au revoir.
lundi 28 avril, le président du Sénat Alain Poher exerce donc par intérim la présidence en attendant le scrutin qui verra l’élection de Georges Pompidou , le 15 juin suivant.
Le Général réapparaît treize jours plus tard. C’est désormais un vieil homme. Dos voûté, s’aidant d’une canne, il arpente, avec son épouse, les landes d’Irlande.