Poche de Royan et de la pointe de Grave

LES CINQ JOURS DE LA POCHE DE ROYAN
14 avril 1945

Le gouvernement provisoire de la République Française et son chef, le général de Gaulle, décident d’accorder au général de Larminat, commandant du corps d’attaque du détachement de l’Atlantique, chargé de liquider la poche de Royan, l’appoint de la 2e DB.

En effet, sous les ordres de l’Amiral Michaellis, les forces allemandes s’étaient retranchées dans le rectangle formé par Royan, l’Eguille sur la Seudre. la Tremblade en face de Marennes et la Pointe de la Coubre. Et tenaient en plus la pointe de Grave depuis Montalivet et toute l’Ile d’Oléron.
Ceinturées de fossés anti-chars et d’ouvrages bétonnés ces positions formaient un immense camp retranché très solidement et vigoureusement défendu par une troupe décidée à résister en dépit de sa situation sans issue !

II fut donc décidé que je partirais le 8 avril pour Royan avec mon état-major, le 12e chasseurs d’Afrique, la 1/13 Génie et mes transmissions.
Dio suivrait dans le sillage avec le 12e cuirassiers, l’artillerie du G.T.V et une partie des transmissions de la division aux ordres du commandant David. Cet ensemble passait sous mes ordres.

Le 14 avril l’attaque des positions allemandes fut déclenchée sur tout le front.
Dans le secteur de la Pointe de Grave la résistance des troupes allemandes attaquées par la brigade Médoc donna lieu à des combats très violents. Ces unités F.F.I y affirmèrent leur bravoure et leur volonté de vaincre. Appuyées par les bombardements massifs des aviations française et alliée, et par les tirs des bâtiments de la flotte, nos unités poursuivirent leur avance sur l’ensemble du secteur et notamment dans la zone boisée et minée du sous-secteur ouest.
Malgré la forte réaction de l’artillerie ennemie, la localité de Montalivet fut enlevée de haute lutte, et le fossé anti-chars, limite extérieure de la position de résistance du réduit allemand, fut atteint le 17 avril.

Le lendemain, renforcée en éléments blindés, la brigade Médoc réussit à franchir les défenses de la position fortifiée, dont les casemates avaient été, au préalable, fortement prises à partie par l’aviation.
En dépit de la résistance fanatique des Allemands, Soulac fut enlevé. Et le Verdon se rendit le 20 avril.
Les derniers blockhaus occupés par l’ennemi furent finalement écrasés au cours de la même journée.
Dans le secteur de Royan il s’agissait, d’abord d’enlever toute la ligne d’avant-postes, depuis Semussac jusqu’à Petit-Aubert sur la route de Saujon à Etaules. Les deux groupements Rougier au nord et Adeline au sud en furent chargés.

Au commandement du groupement nord était adjoint le lieutenant-colonel Rouvillois avec les chars du 12e cuirassiers.
Au commandement du groupement sud était adjoint le lieutenant-colonel Verdier mon chef d’état-major avec le 12e R.C.A.
A 20 h 30 toute la ligne d’avant-postes était enlevée. La ligne de résistance constituée par des blockhaus bétonnés ceinturant Royan à quatre kilomètres environ de la ville fut pilonnée par cinq cents forteresses volantes.

Le 15 avril, de 10 heures à midi, 1 200 forteresses volantes déversaient du ciel des fleuves de feu.
C’est le premier essai des bombes du genre napalm. J’embarquai sur un piper-cub piloté par le capitaine Rousselier, le même qui le 24 août avait atterri à Paris, avenue de la Grande-Armée. Je pus suivre à cinq cents mètres d’altitude les opérations, grâce à une vue oblique parfaite. Le coup d’œil est terrifiant, la terre semble un volcan ! Des coulées de lave se mélangent aux explosions des bombes de cinq cents et mille livres ! C’est une vision d’enfer.
En fait, ce fut une déception. Et il fallut des assauts en règle à la grenade et au bazooka pour en venir à bout. Le beau 12e cuirassiers et l’un de ses chefs de guerre les plus endiablés, le capitaine Gaudet, en surent quelque chose qui entrèrent à Royan à 21 heures non sans avoir forcé la position bétonnée de Belmont après un combat acharné et coûteux.
Pendant ce temps, Verdier, qui commandait un groupement blindé mixte était tenu en échec le 14 et 15 avril sur la route de Saujon à Etaules.

Le 16 avril à 18 heures après avoir subi des pertes sensibles par mines, par le canon et par les snipers, son groupement put enfin percer la résistance de la région de Fondebeau et esquisse un nouveau plan pour atteindre ses objectifs: Etaules, et Arvert.
Le 16 avril à 20 heures on peut cependant faire un bilan nettement favorable :
– Toute la position de résistance jalonnée de blocs bétonnés a été forcée… Royan était tombé en voie de nettoyage final.
– L’Amiral Michaellis s’est enfermé dans Saint-Palais dernière localité fortifiée aux mains des Allemands.
– La colonne Adeline-Verdier a atteint Arvert et fait sa jonction avec la brigade Oléron du général Marchand qui a réussi à passer la Seudre de vive force.
– La colonne Rouvillois qui a exploité avec son à-propos et sa célérité habituelle le succès de la veille a franchi péniblement les bois de pins sablonneux qui le séparent de la mer. Par un chemin malaisé elle est arrivée au contact des puissants ouvrages bétonnés ennemis de la Coubre qui couvre leurs batteries lourdes chargées d’interdire l’accès de l’estuaire de la Gironde. Dans ces ouvrages un millier de soldats allemands sont retranchés.
Les 17 et 18 avril virent la fin de l’agonie allemande, l’amiral Michaellis se rendit bravement sans combattre tout en refusant de donner l’ordre aux troupes allemandes qui résistaient encore ça et là de cesser le feu.
La garnison allemande de la pointe de la Coubre se rendit à Rouvillois, le 17 au matin sans combat et j’avais le plaisir de voir à 10 h 30 ce même jour, défiler devant moi au pas de l’oie, huit cents soldats, officiers en tête. Chaque compagnie faisait tête à gauche en passant à ma hauteur et saluait du salut nazi. Ce fut un spectacle bien réjouissant.

(Paul De Langlade “En suivant Leclerc”)

 

 

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carte-Lib-Royan

16 et 17 avril

Le nettoyage de la presqu’île d’Arvert –

La division Gironde se divise en 4 groupements : ouest, est, nord et sud. L’attaque est déclenchée à 6 h 30

  • Le groupement ouest occupe Vaux à 10 h 30, Saint-Augustin à 12 h, Les Mathes à 13 h.
  • Le groupement est perce une brèche à 15 h à Fontbedeau, atteint Étaules à 19 h 30 et arrive devant la Tremblade à 21 h.
  • Le groupement nord continue le nettoyage de Royan et enlève l’ouvrage de Jaffe à 15 h.
  • Le groupement sud atteint la mer à 11 h après avoir nettoyé le bois entre Saint-Georges et Royan. Le réduit de la Pointe de Vallières est occupé à 13 h.

La brigade Oléron comprend un groupement nord, un groupement sud.

  • Le groupement nord débarque, au Mus du Loup, sur la Seudre à 7 h 45 et occupe la Tremblade à 10 H.
  • Le groupement sud débarque sur la rive gauche, plus au sud,, entre Chaillevette et Avallon, à 7 h30 et occupe à 14 h une tête de pont large de 5 km et profonde de plus de 2 km.

Ce jour-là, le Général De Larminat envoie au Général de Gaulle le message suivant : « Royan est pris et nous entreprenons le nettoyage de la presqu’île – Nous progressons dans la pointe de Grave – Le boche se défend partout. Excellente coopération de l’aviation et de la force navale. Les FFI se battent comme des anciens Respectueusement ».

Les journées des 17 et 18 avril – Les redditions

Le réduit de la Coubre subit des bombardements d’artillerie et d’aviation. La brigade Oléron nettoie la partie nord de la Presqu’île.
« À 11 h 15, le blockhaus de l’amiral Michahelles à Pontaillac est attaqué. La réaction est vive mais à 12 h 35 apparaît un fanion blanc. À 12 h 40, Michahelis et son état-major se constituent prisonniers. Le Général d’Anselme décide alors d’engager des pourparlers de reddition dans la pointe de la Coubre. Le commandant allemand du réduit de la Coubre obtient un délai de 12 heures. Le 18 avril à 8 h les troupes allemandes se rendent. » (Récit du colonel Adeline).

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LE RÉCIT DES REDDITIONS – EXTRAIT DES NOTES DE L’ASPIRANT BREZILLOU DE L’ÉTAT-MAJOR DE LA 2E DB

Mardi 17 avril

Réveillé en sursaut à 7h par nos pièces qui tirent…. Je me lance dans la pagaille des préparatifs d’état-major. Trente officiers discutent de choses différentes dans la même pièce… Toute cette science, tous ces calculs, tout ce travail… pour faire massacrer du monde!
Nous partons à une heure, il me faut courir partout pour rassembler les véhicules. Comme nous commençons à quitter le village (le 16 avril, le PC s’est déplacé de Jaffe à Saint-Augustin), les obus commencent à tomber. Nous nous engageons bientôt dans un chemin sablonneux et terriblement encombré. Dans la poussière, je perds la plupart de mes éléments que je ne retrouve que bien plus tard à la ferme Joubert… Devant les batteries Gironde, nous sommes dans un cul de sac par suite de l’énorme cratère d’une bombe d’avion… Va-t-on envoyer des parlementaires (à Michaelles)? L’heure H est sans cesse retardée…Le colonel m’informe que je vais partir en parlementaire avec le sous-lieutenant Sauvagnat (NDLR : il part pour obtenir la capitulation du capitaine Drevin commandant de la batterie (GI 36) de la Coubre). À 18h, le tir d’artillerie cessera, nous partons à pied avec le colonel jusqu’à un carrefour où nous attend une jeep du RBFM (Régiment Blindé des Fusiliers marins)… Mon calme me surprend quoique je pense que j’ai toutes les chances d’y laisser ma peau. Nous allons jusqu’aux avant-postes. Un officier allemand qui fume cigarette sur cigarette et parle comme un mort, monte à côté du marin Plassard, je m’assois avec Sauvagnat derrière et nous partons… La forêt flambe et crépite, la fumée gêne considérablement notre visibilité.
L’Allemand fait des signaux. Nous voici à 500 m d’une barrière. Nous avançons très dignes, mon cœur n’a pas une pulsation plus rapide que l’autre… Nous crions « Parlementaires! »… Finalement un groupe armé traversant les obstacles s’approche, Sauvagnat s’explique, on nous bande les yeux… Franchissement des obstacles et surtout du champ de mines, les yeux fermés. L’Allemand guide mon bras et non pas mon pied!!!
… On nous fait entrer dans une cabane et on nous retire nos bandeaux, la pièce est éclairée par une bougie, on a calfeutré les ouvertures avec des couvertures. Tous les Allemands que nous avons vu étaient propres et avaient l’air martial et nous regardaient avec une sympathie mêlée de curiosité. Le commandant allemand de la garnison (Michahelles) entre, 60 ans, marin aux yeux très bleus, petite barbiche blanche, il a l’air d’un bon vieillard, un gros crachat à croix gammée sur la poitrine. Sauvagnat lui parle, il se décide très vite. Nous nous levons et partons.
Le colonel qui nous attend au poteau 34 est très pâle. Il demande au chef allemand, au nom du général Leclerc, de capituler avec les honneurs de la guerre. Le vieux a les larmes aux yeux, il remercie en se mettant au garde à vous quand on lui exprime notre admiration pour la défense allemande. Il faut qu’il consulte ses officiers cette nuit. Il ne rendra réponse que demain à 7 heures à la même place…
Lorsque le colonel a rendu compte des pourparlers au général d’Anselme, celui-ci ne semblait pas satisfait, il annonça qu’il voulait faire donner l’aviation le lendemain puis il nous proposa de repartir dans la nuit… sans doute pour recueillir, lui seul, les fruits de la victoire.

Mercredi 18 avril

Réveil à 6 heures. J’accompagne le colonel au poteau 34. 7h10, toujours pas de chef allemand. Des prisonniers passent affolés, se rendant en hurlant « Ces cochons d’officiers ne veulent pas se rendre »!
Une silhouette dans la fumée, c’est le commandant allemand. En une phrase brève, il nous informe de sa capitulation, ses yeux bleus sont mouillés de larmes. Nous nous saluons. Nous discutons ensuite des modalités de la reddition….
Aux Mathes, nous préparons la cérémonie, les troupes vont se mettre en place pour rendre les honneurs…
… Nous poussons jusqu’aux ouvrages de La Coubre. Sous le soleil ardent, devant un bunker bourré de provisions, nous mangeons des sardines et buvons du pinard entre deux explorations de ses flancs bétonnés recelant des tonnes de vivres… Nous visitons un peu les ouvrages et escaladons le vertigineux phare de la Coubre. La mer est splendide, les pins flambent. On entend le bombing sur la Pointe de Grave où flottent des nuages de fumée…
Les journalistes me reconduisent à Burie. Les chars, calmes maintenant, dorment déjà sagement sous les arbres, les hommes se promènent comme s’ils n’avaient jamais fait que cela.

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